La biguine

Publié le par Sylvina

Barrel COPPET et son Orchestre (orchestre de bal dans les années 1960

Au XIXe siècle, les musiciens étaient pour la plupart des esclaves affranchis, et les bals donnaient lieu à de véritables concours d’orchestres et de danses. Les musiciens étaient habitués à imiter leurs maîtres tant dans la danse que dans la musique. Ils interprétaient admirablement les musiques des colons et les reprenaient dans leurs propres fêtes, mais en y ajoutant le chant et le tambour.

Les fêtes que donnaient les esclaves le samedi soir dans les jardins des colons eurent raison de l’aversion qu’imposait l’Eglise pour toute production nègre. Elles ne furent jamais acceptées par le clergé, mais conquirent cependant les couches populaires de la colonie. En apportant le chant et le rythmes du bèlè à la polka, les musiciens noirs en firent un genre nouveau que l’on classa dans les biguines.

Ces biguines étaient au nombre de trois : biguine de salon, biguines de bal et biguines de rue. Les biguines de salon étaient interprétées au piano et au violon. Un violoncelle assurait la ligne de basse. Dans les bals, la haute taille à pastourelle évolua peu à peu en biguine, les commandements disparurent. Ce nouveau genre permit d’inclure des chants structurés, avec refrain et couplet, à la manière des chansons françaises. Jouées par un orchestre utilisant la contrebasse à partir de 1860 environ, elle servirent de support à toutes sortes de satyres et de campagnes politiques. Se dansant avec beaucoup d’énergie, elle précédait la mazurka, plus reposante. Un troisième type de biguine existait avant la catastrophe de Saint Pierre (éruption de la Montagne Pelée), né du bèlè, franchement satirique et développé vraisemblablement par les Nègres en période de carnaval. Le chant prédomine dans cette forme, et la voix du soliste se devait d’être forte. Elle fut donnée par l’Eglise pour responsable de l’éruption de la Montagne Pelée en 1902.

La biguine est avant tout chanson. Elle servait, tout comme les gran son et mazon-n, à relater des faits, et à la fin du XIXe siècle, servit la cause des hommes politiques.

Après la catastrophe de Saint Pierre, les biguines furent interdites à Fort-de-France, ou plutôt prirent le nom de polka. La classe dominante de la nouvelle capitale de la Martinique était alors composée de mulâtres et de grands blancs. Les noirs, bien que libérés des chaînes de l’esclavage, n’en avait pas pour autant gagné droits et reconnaissance. Excellents musiciens, capables de jouer les musiques de tous les pays, ils ne purent développer leur passion aux Antilles.

Aussi, c’est à Paris que Stellio (de son vrai nom Fructueux Alexandre) ou encore Félix Valvert font éclater la biguine et en font la danse représentative des colonies françaises en 1931, lors de l’exposition coloniale. Leur instrumentation est riche, semblable à celle des orchestres de la Nouvelle Orléans : clarinette, trompette, banjo, batterie, piano, violon, saxophone, guitare et contrebasse. Les arrangements comportent tant de syncopes qu’il est impossible de noter fidèlement leur style.

La Deuxième Guerre mondiale coûta la vie à de nombreux musiciens antillais. Les musiques américaines envahirent Paris, conquirent du même coup les Antilles. Outre Atlantique, les bee-bop, charleston et autres rythmes endiablés de la culture européenne font le bonheur des petits bourgeois de la Martinique. Les orchestres antillais interprètent avec brio toutes les musiques de la Caraïbe et de l’Europe.

Marius Cultier n’a que 16 ans lorsqu’il anime le bal des Paillottes et le piano-bar « L’Impératrice ». Ses compositions sont empreintes de modulation curieuses inspirées de prouesses des plus grands du jazz, alors que Fernand Donatien avec son orchestre « Stardust » propose des biguines façon cubaine. Son répertoire éclectique fait entendre biguines, valses, mazurkas, mais aussi quadrilles, tangos, méringués, paso doble, rumbas. La biguine connaîtra ses heures de gloire jusqu’en 1970, période de bouleversements des médias et de l’invasion des musiques commerciales.

Publié dans Antilles-Guyane

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article